Des centaines de milliers de Français se voient refuser l’accès aux soins ou remettent à plus tard le moment de se soigner. De plus en plus nombreux sont ceux qui finissent par y renoncer.

Pour Aline Archimbaud, sénatrice, chargée par le gouvernement en mars dernier d'un rapport sur l'accès aux soins des plus démunis et sur la lutte contre le non-recours aux droits sociaux : "Il y a le mur de l’argent... Il y a les portes que claquent au nez des pauvres une minorité de professionnels oublieux du serment qu’ils ont fait de soigner sans distinction d’origine ni de fortune. Il y a l’impossibilité, même après de nombreuses tentatives, d’avoir un interlocuteur, de faire aboutir un dossier : le maquis des procédures sème l’incompréhension, la souffrance, la rupture".

Cette offense à la cohésion nationale et cette déchirure profonde du lien social ont bien sûr des conséquences sur l’état sanitaire d’une partie de la population. Elles aggravent considérablement les déficits des comptes de l’assurance maladie : des soins dispensés trop tardivement sont plus lourds et beaucoup plus couteux. En multipliant les obstacles placés devant les dynamiques d’insertion sociale, elles contrecarrent les politiques publiques de retour à l’emploi. D’une façon générale, les inégalités d’accès à la santé, cumulées à d’autres en matière de logement, de transports et de réussite scolaire renforcent les ghettos, entretiennent les divisions et minent notre société.

"La création de la Couverture Maladie Universelle, avancée sociale majeure, s’était pourtant déployée il y a 14 ans, dans un esprit d’aide, de bienveillance et de solidarité avec les plus fragiles de nos concitoyens. Mais au cours des années, une multitude de petites régressions ont grignoté la loi. Des circulaires l’ont défigurée, en complexifiant et surtout en limitant fortement l’accès aux droits" estime Aline Archimbaud : " Nous devons donc en revenir à l’esprit de cette avancée majeure, qui est un élément fondamental de notre « bouclier social ".

La sénatrice présente 40 propositions qui demandent a minima une application des textes existants et préconise des sanctions pour ceux qui ne les respectent pas. Elles appellent à une extension du « choc de simplification », à des changements dans les cultures et les pratiques professionnelles, à la limitation des effets de seuil par l’élargissement de certains droits. Elles demandent que soient levés les obstacles financiers les plus lourds à l’accès aux soins, que soient renforcées les structures accueillant des précaires. Pour faire des économies, elles suggèrent de mettre en place des dispositifs de prévention facilement accessibles, et enfin d’aider à l’essaimage des innovations.

Après avoir insisté sur le caractère multidimensionnel et cumulatif des facteurs d’exclusion, la mission fait le constat d’un décalage croissant entre d’un côté, le discours des pouvoirs publics sur la lutte contre la précarité et les objectifs de qualité de service et d’accessibilité affichés par l’assurance maladie, et de l’autre la réalité vécue par les personnes en situation d’exclusion.

Cette réalité est celle d’un « parcours du combattant » pour l’accès aux droits, dans un système qui semble ne pas avoir été conçu pour ces personnes et où la lutte contre la fraude a pris ces dernières années une importance démesurée au regard des enjeux financiers.

Certaines catégories de la population cumulent les facteurs de précarité : c’est le cas des personnes placées sous main de justice, des jeunes issus des milieux populaires, des étudiants, des petits agriculteurs, les personnes âgées modestes ou encore les personnes en situation de handicap physique et psychique notamment. La situation est encore plus dégradée pour certains territoires comme le zones urbaines sensibles et à certains égards, les départements d’outre-mer.

Face au constat alarmant d’une situation qui tend à s’aggraver, la mission propose de franchir une nouvelle étape, majeure, dans l’ouverture de nouveaux droits et la levée des obstacles financiers à l’accès aux soins, en étendant le bénéfice de la CMU complémentaire aux bénéficiaires actuels de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) et de l’AAH (Allocation pour les adultes handicapés) et en remaniant profondément le système de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, soit en le fusionnant avec la CMU-c, soit en améliorant de façon substantielle le niveau des garanties associées aux contrats correspondants. En outre, la poursuite de la généralisation du tiers payant d’une part, la lutte contre les dépassements d’honoraires d’autre part sont de nature à faire reculer les obstacles financiers à l’accès aux soins.