Octobre Rose

Noëlle, 51 ans, vit dans un tout petit bourg de 150 habitants dans le Lot et Garonne. Elle y produit des oeillets porte-graines, sous serre, pour les jardineries. Son mari est lui aussi agriculteur, il cultive des céréales. Depuis deux ans, elle est sous hormonothérapie, dernière étape du protocole de soins qu’elle suit depuis le diagnostic de son cancer du sein en 2019. Après sa mastectomie, ses séances de chimiothérapie puis de radiothérapie, prendre un seul comprimé chaque jour peut paraître simple et peu contraignant. Mais ce traitement a des conséquences qui impacte son quotidien…

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Côté cancer, aujourd’hui, ça va, mais depuis que je prends mon traitement hormonal, je souffre de douleurs articulaires, de maux de tête et de dépression. Tout ça me fatigue plus que les suites de l’opération ! Comme j’en ai encore pour 8 ans à devoir prendre ce traitement, mon oncologue va essayer de changer de molécule.

Vivant à la campagne, comment vous étiez-vous organisée pour suivre vos différents traitements ?

J’ai eu toutes mes séances de chimiothérapie, puis mon opération à Bordeaux qui se trouve à 1h30 de route. Mon mari m’a accompagnée à chaque fois. Il préférait, même s’il manquait le travail. On y a perdu un peu d’argent : nous ne savions pas qu’on avait droit au remboursement des frais de transport, même avec notre propre véhicule. Pour les séances de radiothérapie, j’ai préféré aller à Marmande, à 57 kilomètres, je m’y rendais en taxi et cela me prenait la matinée. Côté soins de support, j’ai pu avoir des séances de drainage chez un kiné exerçant plus près, seulement 25 kilomètres à faire. En dehors de ça, je me suis débrouillée seule, en marchant tous les jours 1h - même pendant la chimio -, et en faisant des exercices de fitness ou de Pilates devant la télé. Difficile de s’y mettre au début, mais en m’organisant pour en faire tous les matins, ça m’a beaucoup aidée. Conserver une activité physique m’a permis de ne pas prendre de poids et ça m’a aussi évité de cogiter.

Vous ne vous êtes jamais arrêtée de travailler ?

En tant qu’exploitant agricole, on pense souvent qu’on a moins de droits que des salariés, alors je ne me suis pas arrêtée tout de suite. Pendant toute la chimiothérapie, je me disais que je ne pouvais pas tout laisser en plan, et je pensais n’avoir droit à aucune aide, alors j’ai travaillé comme je pouvais. Un peu avant l’opération et pendant une grosse année ensuite, je me suis arrêtée. Quand j’ai envisagé de reprendre mon activité à plein temps, le médecin du travail de la MSA (Mutualité sociale agricole) me l’a déconseillé. C’est compliqué d’accepter l’idée qu’on ne peut pas repartir comme avant. Mais dans le monde agricole 7h de travail, c’est juste une matinée ! En dehors de 2 à 3 mois où il suffit juste d’arroser, produire nos propres plantes exige 15h de travail par jour. Rester longtemps debout dans les serres surchauffées n’est pas facile. J’ai donc repris en mi-temps thérapeutique en travaillant un peu le matin et le soir.

 

Octobre Rose

Aviez-vous quelqu’un pour vous remplacer le reste du temps ?

Laisser les clefs de son exploitation n’est pas facile. Et trouver quelqu’un qui s’y connaisse en pollinisation non plus. Les semences, c’est délicat. Former un remplaçant prend du temps, et vous en fait perdre si ce n’est pas le même qui revient la fois d’après. Le mi-temps thérapeutique a été très compliqué à gérer de ce point de vue : il fallait embaucher un remplaçant à mi-temps pour travailler à ma place l’après-midi. On a trouvé quelqu’un qui venait de loin, juste pour la saison. Le service de remplacement nous avait donné droit à 120h. On a géré ce forfait en essayant de ne pas utiliser trop d’heures par jour.

Cela vous a-t-il coûté cher ?

Les indemnités journalières touchées pendant mon arrêt maladie nous ont aidé à payer une partie de ce remplacement. Sur un coût de 17 € de l’heure, nous n’en avions plus que pour 8 € de notre poche. En janvier, j’ai finalement repris à plein temps mais il faut que l’on continue à prendre quelqu’un. Un mi-temps nous coûte 1500 €, un mois sur deux. On va voir si l’on peut diminuer ce coût. L’assistante sociale doit venir pour revoir mes droits.