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Depuis février 2022, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, deux superpuissances agricoles, a entraîné des répercussions sur l’ensemble du secteur agroalimentaire en Europe et dans le monde entier, portant notamment un coup sévère à la sécurité alimentaire de millions de personnes. Dans le même temps, ce conflit est intervenu à un mauvais moment pour les marchés alimentaires mondiaux car les prix des denrées alimentaires étaient déjà élevés en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement causées par la pandémie de COVID-19. Focus sur l’impact du conflit sur l’agriculture française avec Mutualia.

Le prix des énergies a explosé

Les Européens dépendent de la Russie pour une grande partie de leurs énergies fossiles. En 2021, l’énergie représentait 62% des importations de l’UE, dont environ 40% alloué au gaz et 20% au pétrole. Le conflit a par conséquent conduit à une augmentation des prix de ces combustibles, qui sont essentiels pour les activités agricoles, en particulier en France, premier pays agricole de l'Union européenne et l'un des plus grands exportateurs agricoles au monde. Alimenter les machines, réchauffer les serres et alimenter les bêtes consomment tous énormément d'énergie, ce qui représente une part importante des dépenses courantes pour les agriculteurs.

Alors qu’il n’était que de 900 € le mètre cube en septembre 2021, le prix du GNR, le carburant le plus utilisé pour les machines agricoles, a grimpé à près de 2 000 € en avril 2022, pour se stabiliser à environ 1 300 € en février 2023. De même, le gaz a vu sa tonne augmenter de 320 €, passant de 680 € avant la pandémie à 1000 € peu après le début du conflit russo-ukrainien. Le gasoil a quant à lui connu une augmentation encore plus spectaculaire, passant de 650 € la tonne à 2400 €.

Selon l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), une exploitation agricole dépense en moyenne 7 800 € par an en énergie directe, dont 5 100 € en carburant et combustibles indexés sur le prix du pétrole. En mai 2022, la Commission européenne a présenté un plan, REPowerEU, visant à réduire la dépendance de l’Union européenne à l’égard des combustibles fossiles russes, notamment avec l’utilisation d’énergies vertes.

Les engrais en pleine crise

Les cultivateurs français sont de plus en plus confrontés à des problèmes d'approvisionnement en engrais, en particulier en azote. Les fertilisants azotés, qui sont notamment utilisés pour cultiver le blé, ont vu leur prix exploser, passant de 160 euros à 875 euros la tonne en février 2022, en raison de la suspension des ventes russes à l'étranger, représentant un quart des ventes européennes. En janvier 2023, la cotation de la solution azotée retrouvait un niveau plus acceptable de 580 €, mais tout autant précaire. 

Les agriculteurs sont particulièrement touchés, car le blé est très gourmand en azote et les cultures comme les pommes de terre, le maïs et le colza ont besoin d'azote pour leur croissance. Bien que les stocks soient encore suffisants, la crise des engrais azotés pourrait entraîner des conséquences à long terme sur les rendements agricoles français et européens.

En outre, les fertilisants azotés sont produits à partir de gaz naturel et le gaz russe est une source d'approvisionnement importante pour l'Union européenne. La crise énergétique actuelle et la montée des prix du gaz pourraient donc entraîner des problèmes d'approvisionnement en engrais azotés à l'avenir.

Dans ce contexte, les agriculteurs et les experts appellent à une plus grande diversification des sources d'approvisionnement en engrais et à une augmentation de la production nationale. La production d'engrais organiques, tels que le compost, pourrait également être une alternative plus durable pour les agriculteurs. En outre, le développement de nouvelles techniques agricoles et de nouveaux cultivars de plantes plus résistantes pourrait permettre de réduire l'utilisation d'engrais chimiques et d'améliorer la productivité agricole.

 

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Envolée du prix du blé

Actuellement, le prix du blé tendre a presque doublé par rapport à 2020 : environ 300 € la tonne en février 2023, contre environ 160 € en 2020. Il avait même atteint un sommet à près de 450 euros peu après le début du conflit russo-ukrainien.

Bien que cela puisse profiter aux producteurs français, il est peu probable que beaucoup d'entre eux puissent vendre leur blé à ce prix élevé, car les prix des principales céréales sur les marchés internationaux ont déjà augmenté de 70% entre 2021 et 2022, incitant les producteurs à vendre leurs stocks.

En outre, le coût de production a également augmenté considérablement en raison de la hausse des prix des engrais et de l'énergie, impactant la rentabilité des agriculteurs. Bien que les mois à venir devraient se passer sans trop de difficultés pour les producteurs de céréales français, grâce aux stocks encore disponibles, les conséquences risquent d’être ressenties au moment des semis du mois de septembre, surtout si les cours du blé chutent et que le prix des engrais reste élevé.

L’alimentation animale sous pression

La Russie et l'Ukraine, qui assurent ensemble 30% des exportations mondiales de blé et 20% du maïs, sont des acteurs clés sur le marché mondial des matières premières.

En France, les éleveurs sont particulièrement touchés par l'augmentation des prix des céréales et des protéines végétales, qui constituent la base de l'alimentation du bétail. Pour certains éleveurs français, l’alimentation animale représente jusqu’à 60% des intrants.

Les tourteaux de tournesol et le maïs, notamment, sont largement importés d'Ukraine. Les productions de porcs et de volailles, qui sont alimentées au grain, sont les plus touchées par l'augmentation des prix, mais il est difficile de quantifier précisément les impacts pour l'instant. La précarité est un peu moins prononcée chez les bovins, qui se nourrissent principalement de fourrage et d'herbe, surtout au printemps lorsque les bêtes sortent.

L'augmentation des prix des matières premières pour l'alimentation animale est particulièrement problématique pour les éleveurs, qui peuvent avoir du mal à maintenir leur rentabilité si le coût de l'alimentation est trop élevé. De plus, si les éleveurs n’ont plus la capacité d'acheter de l'alimentation de qualité pour leur bétail, l’impact sur la santé des animaux, ainsi que sur la qualité de la viande produite, pourrait être important à long terme.

Pour faire face à cette situation, les éleveurs doivent chercher des alternatives à l'alimentation traditionnelle à base de céréales et de protéines végétales importées. Par exemple, ils peuvent privilégier l'utilisation de fourrages locaux et d'herbe, ainsi que la production de protéines végétales à partir de cultures locales. Les coopératives agricoles et les organismes de recherche peuvent également jouer un rôle important en aidant les éleveurs à trouver des solutions alternatives.

Pour conclure

Depuis le début du conflit en Ukraine, la France est en train de prendre conscience de l'importance de sa sécurité alimentaire et de l'indépendance de son modèle agricole. Les mesures d’urgence prises par le gouvernement depuis mars 2022 dans son plan de résilience (remise de 15 centimes sur le GNR, aide de 400 millions attribuée aux éleveurs, 60 millions d’euros pour la prise en charge des cotisations sociales…) ont permis de soutenir les agriculteurs dans cette période difficile, mais il est clair que l'augmentation des prix et les pénuries resteront un défi pour les agriculteurs/éleveurs français et européens tant que le conflit russo-ukrainien perdurera.