En janvier 2011, Gwénaelle s’inscrit sur un site d’annonce d’emplois qui recherche des animatrices pour des campagnes promotionnelles dans les centres commerciaux. Une première offre lui est faîte de passer deux jours, fin janvier, dans un grand magasin, pour distribuer des échantillons de la marque fitness céréales.

Son profil correspond parfaitement à la demande et les formalités administratives sont rapidement réglées. Gwenaelle est prise pour la mission. Une des responsables du site d’annonces lui envoit alors un email pour connaître sa taille afin de préparer l’uniforme que doivent porter les hôtesses. Gwenaelle informe celle ci du fait qu’elle est enceinte de 5 mois mais en précisant que sa ligne est encore impeccable. Pour preuve, elle joint une photo en pied à son courriel. Un email en retour lui annonce que sa candidature est rejetée du fait de sa grossesse.

Gwenaëlle proteste, affirmant qu’elle n’est pas malade, qu’elle accouche seulement dans 4 mois et qu’elle peut travailler jusqu’à la mi avril, date de son congé de maternité. Rien n’y fait. Gwénaëlle saisit donc la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations dont les attributions sont aujourd’hui transférées au Défenseur des droits). Ce dernier diligente une enquête. La DRH du site d’offre d’emplois est entendue. Elle affirme avoir agi dans l’intérêt de Gwenaëlle, afin de lui éviter sept heures de posture debout et des cartons à porter, d’un poids estimé à 16 kilos.
A l’audience, l’avocat du Défenseur des droits estime que cette procédure est discriminatoire, rappelle que la législation anti-discrimination s’applique aux femmes enceintes et que par conséquent, Gwenaëlle avait parfaitement le droit de travailler jusqu’à 8 semaines avant la date du terme et à condition de ne pas porter des charges de plus de 25 kilos. Le procureur de Bobigny le suit recquiérant, à l’encontre de la DRH, une amende de 4000 euros et la publication du jugement dans un quotidien national.

L’histoire de Gwénaëlle, est l’un des cas présenté à l’audience de la 14 ème chambre correctionnelle du TGI de Bobigny, du 18 avril dernier ; une journée entièrement dédiée à la discrimination… Trois autres dossiers portant sur un refus d’embauche en raison de l’origine, un second en raison de l’apparence physique ainsi que le refus d’une compagnie aérienne d’embarquer une personne handicapée sont examinés.

Cette opération -une première- s’inscrit dans le cadre de la collaboration entre le pôle anti-discriminations du Parquet de Bobigny et le Défenseur des droits. Celui ci a été saisi en 2012 à 93 reprises devant des juridictions dans des affaires portant sur des discriminations. Celles ci sont pourtant sanctionnées sur le plan civil par l’allocation de dommages et intérêts devant les juridictions civiles ou administratives. Ces comportements constituent aussi très fréquemment des délits punissables devant les juridictions correctionnelles en application des articles 225-1 et 225-2 du code pénal. La loi définit ainsi 19 critères prohibés en matière de discrimination. L’origine (22%) et l’état de santé-handicap (25,9%) sont les deux motifs principaux des dossiers traités par le Défenseur des droits en matière de discrimination.