L'herbe pâturée est l'aliment le moins coûteux. Finir des bovins avec une ration exclusivement pâturée nécessite une herbe de qualité, une durée de finition adaptée et une bonne capacité d'ingestion. Une bonne gestion du pâturage est indispensable.

Une des particularités de l'alimentation du cheptel allaitant français est d'avoir ETE largement basée sur l'herbe pâturée. À la belle saison, le pâturage est la ration quasi exclusive des vaches suitées et génisses de renouvellement. Pour la finition à proprement parler, la part de l'herbe pâturée est plus modeste. Elle est même parfois totalement absente dans la mesure où, quelle que soit la saison, une forte proportion des bovins sont finis en bâtiment.

Le fait de les finir en les nourrissant uniquement d'herbe pâturée est bien entendu possible, au moins une partie de l'année. Ce mode de conduite est dans l'air du temps. Il va dans le sens d'une amélioration du bilan carbone des élevages avec pas ou peu d'engrais azoté, peu de mécanisation pour la culture, la récolte des céréales et fourrages puis leur distribution. Ce mode de finition favorise également le maintien des prairies et des haies et contribue à donner une bonne image à la viande ainsi produite. Finir à l'herbe est aussi forcément souhaitable dans les élevages bio où la disponibilité en céréales est souvent limitée, avec des prix qui peuvent inciter à les vendre en l'état plutôt qu'à les mettre dans les auges.

Herbe de qualité en quantité le plus longtemps possible

« La clé pour finir au pâturage réside dans une gestion optimale des ressources fourragères. Il s'agit de permettre aux bovins de disposer d'une herbe de qualité, en quantité, le plus longtemps possible », souligne Denis Alamome, animateur du FRCivam Limousin. Même si c'est plus facile à écrire qu'à faire, il s'agit de permettre aux animaux de pâturer une herbe toujours au stade optimal. Il est pour cela important de bien connaître ses parcelles (précocité, portance, espèces présentes) pour les faire pâturer au moment idéal en jouant sur la complémentarité des espèces et des surfaces.

Pour y arriver, la mise en place du pâturage tournant est analysée comme indispensable. La réflexion sur une finition 100 % à l'herbe découle d'ailleurs souvent de cette pratique. Les éleveurs qui optent pour cette conduite constatent qu'elle leur permet d'avoir des animaux d'élevage (vaches suitées et génisses) plus en état tout en allongeant la durée de la saison de pâturage. C'est souvent ce qui les incite à finir au moins une partie de leurs bovins uniquement avec de l'herbe. « Le plus difficile est d'apprendre à bien gérer l'herbe et le pâturage : réaliser le bon redécoupage des parcelles, résoudre les problèmes d'abreuvement et bien organiser la façon dont les lots vont tourner », souligne Jacques Gauvreau, éleveur en Corrèze et président de l'Adapa (Association pour le développement d'une agriculture plus autonome).

Et ce dernier d'en rappeler les grands principes : chargement instantané important, durée de pâturage courte suivie d'un temps de repos suffisant pour laisser à l'herbe le temps de repousser entre deux passages : en général 25 à 30 jours au printemps. Cette conduite a, qui plus est, une incidence sur la flore. Elle favorise les légumineuses et contribue à une répartition plus homogène des bouses et pissats sur les parcelles.

« La méthode des sommes de température est importante pour donner des repères, au moins pour démarrer. Mise à l'herbe à 300 °C et retrait des lots des parcelles utilisées pour les stocks à 500 °C. » Selon l'altitude cela correspond à la floraison de plantes pouvant constituer autant de repères : par exemple floraison des forsythias pour les 300 °C, puis floraison des merisiers pour les 500 °C.

Confronter acquis et expériences

Rien ne remplace ensuite les discussions entre éleveurs. « Dans les Civam, on fonctionne en groupe d'échanges. On fait des journées de formation chez les membres du groupe. Les éleveurs ont besoin de confronter expériences et acquis. C'est toujours enrichissant », souligne Denis Alamome.

Avec la finition à l'herbe, même si elles doivent inclure le temps consacré à la gestion du pâturage, les économies sur le temps de travail et les frais de mécanisation sont à analyser de près. Certes, les performances pondérales des bovins sont moindres et les durées de finition plus élevées, mais le niveau des charges est sans commune mesure. C'est une autre façon de travailler.

« Une étude réalisée par l'Institut de l'élevage à la ferme expérimentale de Mauron, dans le Morbihan en 2005 et 2009 sur la finition de génisses charolaise mettait en avant tous frais confondus (alimentation, mécanisation, bâtiments...) un coût de 2,72 EUR/kg de carcasse pour des génisses charolaises finies à l'auge contre 0,55 EUR/kg C si elles étaient finies au pâturage avec certes une durée de finition inférieure de quelques jours et un poids de carcasse inférieur de 6 kg », indique Denis Alamome. Ces résultats sont appuyés par les données obtenues par le Civam du Haut-Bocage et les chambres d'agriculture de Lozère et des Deux-Sèvres. Ils montrent qu'une ration herbagère (reposant majoritairement, voire totalement sur le pâturage) coûte jusqu'à cinq fois moins cher par animal qu'une ration à l'auge à poids de carcasse proches. « À performance de finition (durée, poids) presque égale, l'avantage économique est incontestable. Le gain se fait sur l'économie de charges », précise Denis Alamome.

Formats modérés et bonnes capacités d'ingestion

Attention toutefois au type d'animaux engraissés. Tous les bovins ne peuvent être finis uniquement avec de l'herbe. Vaches, génisses lourdes et boeufs sont les mieux adaptés. « Un animal encore en croissance se finit moins facilement à l'herbe qu'une bête adulte ou subadulte. » De même, les animaux de grand format à fort développement musculaire sont exigeants sur la qualité de la ration et en particulier sur sa densité énergétique. L'herbe pâturée est alors ni adaptée, ni suffisante pour atteindre le niveau d'embonpoint en phase avec les attentes de l'aval.

Côté génétique, il n'est pas nécessaire d'aller chercher ailleurs ce que l'on a déjà chez nous. Si les bovins à la fois très lourds, très conformés avec une faible capacité d'ingestion ne sont d'évidence guère adaptés, il est possible d'obtenir d'excellents résultats avec les principales races à viande et races rustiques françaises. Tout du moins en recherchant dans ces populations les souches pour lesquelles la sélection n'a pas cherché à maximiser le poids et le développement. La volonté serait ensuite surtout de mieux mettre en avant la viande des animaux finis à l'herbe. « Plusieurs campagnes de publicité surfent sur l'image des animaux au pâturage... pour proposer en réalité des animaux finis à l'auge. Face à ces artifices, l'un des enjeux futurs sera de se démarquer et d'identifier clairement cette finition au pâturage ! », souligne Jacques Gauvreau.

Par François d’Alteroche

Réussir, Bovins Viande